Page:Mérimée - Carmen.djvu/120

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de son curé, avait quelque mérite à être dévote, lorsqu’elle n’avait pas pour mari un employé du gouvernement, qu’elle n’était point attachée à Madame la Dauphine, et qu’elle n’avait rien à gagner sinon son salut, à fréquenter les églises. Telle était madame de Piennes. Le bedeau avait bien envie d’aller dîner, car les gens de cette sorte dînent à une heure, mais il n’osa troubler le pieux recueillement d’une personne si considérée dans la paroisse Saint-Roch. Il s’éloigna donc, faisant résonner sur les dalles ses souliers éculés, non sans espoir qu’après avoir fait le tour de l’église, il retrouverait la chapelle vide.

Il était déjà de l’autre côté du chœur, lorsqu’une jeune femme entra dans l’église, et se promena dans un des bas-côtés, regardant avec curiosité autour d’elle. Retables, stations, bénitiers, tous ces objets lui paraissaient aussi étranges que pourraient l’être pour vous, Madame, la sainte niche ou les inscriptions d’une mosquée du Caire. Elle avait environ vingt-cinq ans, mais il fallait la considérer avec beaucoup d’attention pour ne pas la croire plus âgée. Bien que très brillants, ses yeux noirs étaient enfoncés et cernés par une teinte bleuâtre ; son teint d’un blanc mat, ses lèvres décolorées, indiquaient la souffrance, et cependant un cer-