Page:Mérimée - Carmen.djvu/126

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s’était écartée, et la voiture de madame de Piennes s’éloignait au grand trot ; mais l’image de la jeune fille et son expression désespérée poursuivirent madame de Piennes pendant plusieurs heures.

À son retour, elle vit un grand attroupement dans sa rue. Toutes les portières étaient sur leurs portes et faisaient aux voisines un récit qu’elles semblaient écouter avec un vif intérêt. Les groupes se pressaient surtout devant une maison proche de celle qu’habitait madame de Piennes. Tous les yeux étaient tournés vers une fenêtre ouverte à un troisième étage, et dans chaque petit cercle un ou deux bras se levaient pour la signaler à l’attention publique ; puis tout à coup les bras se baissaient vers la terre, et tous les yeux suivaient ce mouvement. Quelque événement extraordinaire venait d’arriver.

En traversant son antichambre, madame de Piennes trouva ses domestiques effarés, chacun s’empressant au-devant d’elle pour avoir le premier l’avantage de lui annoncer la grande nouvelle du quartier. Mais, avant qu’elle pût faire une question, sa femme de chambre s’était écriée : — Ah ! madame !… si madame savait !… Et, ouvrant les portes avec une indicible prestesse, elle était parvenue avec sa maîtresse dans le sanctum sanc-