Page:Mérimée - Carmen.djvu/155

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occupé votre temps ! Je sais déjà que ce n’est point à écrire.

— Occupé !… vous savez bien que je ne m’occupe pas, malheureusement. — J’ai vu, j’ai couru. J’avais des projets de peinture, mais la vue de tant de beaux tableaux m’a radicalement guéri de ma passion malheureuse. — Ah !… et puis le vieux Nibby avait fait de moi presque un antiquaire. Oui, j’ai fait faire une fouille à sa persuasion… On a trouvé une pipe cassée et je ne sais combien de vieux tessons… Et puis à Naples j’ai pris des leçons de chant, mais je n’en suis pas plus habile… J’ai…

— Je n’aime pas trop votre musique, quoique vous ayez une belle voix et que vous chantiez bien. Cela vous met en relation avec des gens que vous n’avez que trop de penchant à fréquenter.

— Je vous entends ; mais à Naples, quand j’y étais, il n’y avait guère de danger. La prima donna pesait cent cinquante kilogrammes, et la seconda donna avait la bouche comme un four et un nez comme la tour du Liban. Enfin, deux ans se sont passés sans que je puisse dire comment. Je n’ai rien fait, rien appris, mais j’ai vécu deux ans sans m’en apercevoir.

— Je voudrais vous savoir occupé ; je voudrais vous