Page:Mérimée - Carmen.djvu/18

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— Vous trouverez celui-ci assez bon, lui dis-je en lui présentant un véritable régalia de la Havane.

Il me fit une légère inclination de tête, alluma son cigare au mien, me remercia d’un autre signe de tête, puis se mit à fumer avec l’apparence d’un très vif plaisir.

— Ah ! s’écria-t-il en laissant échapper lentement sa première bouffée par la bouche et les narines, comme il y avait longtemps que je n’avais fumé !

En Espagne, un cigare donné et reçu établit des relations d’hospitalité, comme en Orient le partage du pain et du sel. Mon homme se montra plus causant que je ne l’avais espéré. D’ailleurs, bien qu’il se dît habitant du partido de Montilla, il paraissait connaître le pays assez mal. Il ne savait pas le nom de la charmante vallée où nous nous trouvions ; il ne pouvait nommer aucun village des alentours ; enfin, interrogé par moi s’il n’avait pas vu aux environs des murs détruits, de larges tuiles à rebords, des pierres sculptées, il confessa qu’il n’avait jamais fait attention à pareilles choses. En revanche, il se montra expert en matière de chevaux. Il critiqua le mien, ce qui n’était pas difficile ; puis il me fit la généalogie du sien, qui sortait du fameux haras de Cordoue : noble animal, en effet, si dur à la fatigue, à ce que prétendait son maître, qu’il avait fait une fois