Page:Mérimée - Carmen.djvu/212

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dans un curé de Noirmoutiers, il en parle bien. Puis il m’a menée dans les ruines d’une vieille abbaye, sur une falaise, et m’a fait voir un grand portail tout sculpté de monstres adorables. Ah ! si j’avais de l’argent, comme je réparerais tout cela ! Après, malgré les représentations de Henri, qui voulait aller dîner, j’ai insisté pour passer par le presbytère, afin de voir un reliquaire curieux que le curé a trouvé chez un paysan. C’est fort beau, en effet : un coffret en émail de Limoges, qui ferait une délicieuse cassette à mettre des bijoux. Mais quelle maison, grand Dieu ! Et nous autres, qui nous trouvons pauvres ! Figure-toi une petite chambre au rez-de-chaussée, mal dallée, peinte à la chaux, meublée d’une table et de quatre chaises, plus un fauteuil en paille avec une petite galette de coussin, rembourrée de je ne sais quels noyaux de pêche, et recouverte en toile à carreaux blancs et rouges. Sur la table, il y avait trois ou quatre grands in-folio grecs ou latins. Ce sont des Pères de l’Église, et dessous, comme caché, j’ai surpris Jocelin. Il a rougi. D’ailleurs, il était fort bien à faire les honneurs de son misérable taudis ; ni orgueil, ni mauvaise honte. Je soupçonnais qu’il avait son histoire romanesque. J’en ai la preuve maintenant. Dans le coffre byzantin qu’il nous a montré, il y avait un