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Page:Mérimée - Carmen.djvu/221

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V

LA MÊME À LA MÊME


Noirmoutiers… mai 1845.

Il y a bien longtemps que je veux l’écrire, ma chère Sophie, et je ne sais quelle mauvaise honte m’en a toujours empêchée. Ce que j’ai à te dire est si étrange, si ridicule et si triste à la fois, que je ne sais si tu en seras touchée, ou si tu en riras. Moi-même, j’en suis encore à n’y rien comprendre. Sans plus de préambule, j’en viens au fait. Je t’ai parlé plusieurs fois, dans mes lettres, de l’abbé Aubain, le curé de notre village de Noirmoutiers. Je t’ai même conté certaine aventure qui a été la cause de sa profession. Dans la solitude où je vis, et avec les idées assez tristes que tu me connais, la société d’un homme d’esprit, instruit, aimable m’était extrêmement précieuse. Probablement je lui ai laissé voir qu’il m’intéressait, et au bout de fort peu de temps