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Page:Mérimée - Carmen.djvu/235

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s’écria Tomski ; mais ce qu’il y a de plus étonnant, c’est ma grand’mère, la comtesse Anna Fedotovna.

— Pourquoi cela ? lui demandèrent ses amis.

— N’avez-vous pas remarqué, reprit Tomski, qu’elle ne joue jamais ?

— En effet, dit Naroumof, une femme de quatre-vingts ans qui ne ponte pas, cela est extraordinaire.

— Vous ne savez pas le pourquoi ?

— Non. Est-ce qu’il y a une raison ?

— Oh ! bien, écoutez. Vous saurez que ma grand’mère, il y a quelque soixante ans, alla à Paris et y fit fureur. On courait après elle pour voir la Vénus moscovite. Richelieu lui fit la cour, et ma grand’mère prétend qu’il s’en fallut peu qu’elle ne l’obligeât par ses rigueurs à se brûler la cervelle. Dans ce temps-là, les femmes jouaient au pharaon. Un soir, au jeu de la cour, elle perdit sur parole, contre le duc d’Orléans, une somme très-considérable. Rentrée chez elle, ma grand’mère ôta ses mouches, défit ses paniers, et dans ce costume tragique alla conter sa mésaventure à mon grand-père, en lui demandant de l’argent pour s’acquitter. Feu mon grand-père était une espèce d’intendant pour sa femme. Il la craignait comme le feu mais le chiffre qu’on lui avoua