s’arrêta pour allumer une pipe, avala une bouffée de tabac et continua de la sorte :
— Le soir même, ma grand’mère alla à Versailles au jeu de la reine. Le duc d’Orléans tenait la banque. Ma grand’mère lui débita une petite histoire pour s’excuser de n’avoir pas encore acquitté sa dette, puis elle s’assit et se mit à ponter. Elle prit trois cartes : la première gagna ; elle doubla son enjeu sur la seconde, gagna encore, doubla sur la troisième ; bref, elle s’acquitta glorieusement.
— Pur hasard ! dit un des jeunes officiers.
— Quel conte ! s’écria Hermann.
— C’étaient donc des cartes préparées ? dit un troisième.
— Je ne le crois pas, répondit gravement Tomski.
— Comment ! s’écria Naroumof, tu as une grand’mère qui sait trois cartes gagnantes, et tu n’as pas encore su te les faire indiquer ?
— Ah ! c’est là le diable ! reprit Tomski. Elle avait quatre fils, dont mon père était un. Trois furent des joueurs déterminés, et pas un seul n’a pu lui tirer son secret, qui pourtant leur aurait fait grand bien et à moi aussi. Mais écoutez ce que m’a raconté mon oncle, le comte Ivan Ilitch, et j’ai sa parole d’honneur. Tchap-