Page:Mérimée - Carmen.djvu/264

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main a jamais fait battre votre cœur, je vous en supplie par l’amour d’un époux, d’un amant, d’une mère, par tout ce qu’il y a de saint dans la vie, ne rejetez pas ma prière. Révélez-moi votre secret ! — Voyons ! — Peut-être se lie-t-il à quelque péché terrible, à la perte de votre bonheur éternel ? N’auriez-vous pas fait quelque pacte diabolique ?… Pensez-y, vous êtes bien âgée, vous n’avez plus longtemps à vivre. Je suis prêt à prendre sur mon âme tous vos péchés, à en répondre seul devant Dieu ! — Dites-moi votre secret ! — Songez que le bonheur d’un homme se trouve entre vos mains, que non-seulement moi, mais mes enfants, mes petits-enfants, nous bénirons tous votre mémoire et vous vénérerons comme une sainte.

La vieille comtesse ne répondit pas un mot.

Hermann se releva.

— Maudite vieille, s’écria-t-il en grinçant des dents, je saurai bien te faire parler ! Et il tira un pistolet de sa poche.

À la vue du pistolet, la comtesse, pour la seconde fois, montra une vive émotion. Sa tête branla plus fort, elle étendit ses mains comme pour écarter l’arme, puis, tout d’un coup, se renversant en arrière, elle demeura immobile.