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Page:Mérimée - Carmen.djvu/270

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pondit Hermann. Je la quitte à l’instant : elle est morte.

— Bon Dieu !… que dites-vous !

— Et je crains, continua-t-il, d’être cause de sa mort.

Lisabeta Ivanovna le regardait tout effarée, et la phrase de Tomski lui revint à la mémoire : « Il a au moins trois crimes sur la conscience ! » Hermann s’assit auprès de la fenêtre, et lui raconta tout.

Elle l’écouta avec épouvante. Ainsi, ces lettres si passionnées, ces expressions brûlantes, cette poursuite si hardie, si obstinée, tout cela, l’amour ne l’avait pas inspiré. L’argent seul, voilà ce qui enflammait son âme. Elle qui n’avait que son cœur à lui offrir, pouvait-elle le rendre heureux ? Pauvre enfant ! elle avait été l’instrument aveugle d’un voleur, du meurtrier de sa vieille bienfaitrice. Elle pleurait amèrement dans l’agonie de son repentir. Hermann la regardait en silence ; mais ni les larmes de l’infortunée, ni sa beauté rendue plus touchante par la douleur ne pouvaient ébranler cette âme de fer. Il n’avait pas un remords en songeant à la mort de la comtesse. Une seule pensée le déchirait, c’était la perte irréparable du secret dont il avait attendu sa fortune.