Page:Mérimée - Carmen.djvu/291

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main au point du jour, un même charriot nous emportera tous les trois. Prends un métier, choisis ; forge le fer ou chante des chansons en promenant l’ours de village en village.

ALEKO.

Je reste.

ZEMFIRA.

Il est à moi, qui pourrait me l’arracher ? mais il est tard. La jeune lune a disparu. La brume couvre la campagne et mes yeux se ferment malgré moi.


Il est jour. Le vieillard tourne à pas lents autour d’une tente silencieuse : « Debout Zemfira, le soleil est levé ! Réveille-toi, mon hôte, il est temps, il est temps. Quittez enfants, la couche de la paresse. » Aussitôt la horde s’épand à grand bruit. On plie les tentes, les charriots sont prêts à partir. Tout s’ébranle à la fois. Les voilà cheminant par les plaines désertes. Des ânes ouvrent la marche portant dans des paniers des enfants qui se jouent. Derrière viennent les maris, les frères, les femmes, les filles, jeunes et vieux. Que de cris ! quel tapage ! Aux refrains de la Bohême se mêlent les grognements de l’ours qui mort impatiemment sa chaîne. Quelle bigarrure de haillons aux couleurs éclatantes ! Les chiens