pier ; mais cela, à quoi cela sert-il ? Hein ? dites-le moi.
« — Oui, c’est bien vrai… ; ça ne sert pas… C’est là ce qui me retient. S’ils n’étaient pas morts, je dirais.
« — Oh ! quelle tête de bois de chêne, pensa Tchitchikof, prêt à perdre patience. Maudite vieille, qui me fait suer ! — Et cependant il tirait son mouchoir pour essuyer les gouttes d’eau qui s’amassaient sur son front. D’ailleurs, la colère n’avançait rien. Quand une personne entêtée, fût-ce un grave fonctionnaire public, s’est chaussé quelque chose dans l’esprit, c’est en vain qu’on lui présente des arguments plus clairs que le jour ; tout rebondit sur lui comme une balle sur un mur. Après s’être essuyé, Tchitchikof voulut tenter de la ramener sur la voie par un autre chemin : — Voyons, ma chère enfant, lui dit-il, ou bien vous ne voulez pas me comprendre, ou bien vous parlez pour perdre le temps… Je vous donne de l’argent, quinze roubles en assignations. Comprenez-vous ? C’est de l’argent. Vous savez que cela ne se trouve pas dans le pas d’un cheval ? Faites-moi le plaisir de me dire ce que vous avez vendu votre miel ?
« — Douze roubles le poud.
« — Comment ! vous n’avez pas de conscience, la petite mère ! Douze roubles ! mais cela ne se peut pas !
« — Mon Dieu si ! tout autant.
« — Eh bien ! soit, va pour douze roubles le poud de miel ; mais faites bien attention : vous avez été près d’un an à le récolter, ce miel ; vous avez eu de la peine, de la fatigue, du tracas. Vos mouches se sont envolées, elles sont mortes ; il a fallu les nourrir tout l’hiver dans le cellier, tandis que des âmes mortes, ce ne sont pas choses de ce monde. Cela ne vous donne pas d’embarras ; c’est le bon Dieu qui a tout fait pour qu’elles aient quitté ce monde, au grand dommage de votre maison. D’un côté, vous gagnez douze roubles avec bien du mal ; d’un autre côté, vous