Page:Mérimée - Carmen.djvu/58

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vites que bien tournées. Moi, je me relève aussitôt ; mais je mets ma lance[1] en travers, de façon à barrer la rue, si bien que, de prime abord, les camarades furent arrêtés au moment de la poursuivre. Puis je me mis moi-même à courir, et eux après moi ; mais l’atteindre ! il n’y avait pas de risque, avec nos éperons, nos sabres et nos lances ! En moins de temps que j’en mets à vous le dire, la prisonnière avait disparu. D’ailleurs, toutes les commères du quartier favorisaient sa fuite, et se moquaient de nous, et nous indiquaient la fausse voie. Après plusieurs marches et contre-marches, il fallut nous en revenir au corps de garde sans un reçu du gouverneur de la prison.

Mes hommes, pour n’être pas punis, dirent que Carmen m’avait parlé basque ; et il ne paraissait pas trop naturel, pour dire la vérité, qu’un coup de poing d’une tant petite fille eût terrassé si facilement un gaillard de ma force. Tout cela parut louche, ou plutôt trop clair. En descendant la garde, je fus dégradé et envoyé pour un mois à la prison. C’était ma première punition depuis que j’étais au service. Adieu des galons de maréchal des logis que je croyais déjà tenir !

Mes premiers jours de prison se passèrent fort triste-

  1. Toute la cavalerie espagnole est armée de lances.