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Page:Mérimée - Carmen.djvu/91

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ne suis Égyptien que par hasard ; et, pour certaines choses, je serai toujours franc Navarrais, comme dit le proverbe[1].

Elle reprit : — Tu es un bête, un niais, un vrai payllo. Tu es comme le nain qui se croit grand quand il a pu cracher loin[2]. Tu ne m’aimes pas, va-t’en.

Quand elle me disait : Va-t’en, je ne pouvais m’en aller. Je promis de partir, de retourner auprès de mes camarades et d’attendre l’Anglais ; de son côté, elle me promit d’être malade jusqu’au moment de quitter Gibraltar pour Ronda. Je demeurai encore deux jours à Gibraltar. Elle eut l’audace de me venir voir déguisée dans mon auberge. Je partis ; mois aussi j’avais mon projet. Je retournai à notre rendez-vous, sachant le lieu et l’heure où l’Anglais et Carmen devaient passer. Je trouvai le Dancaïre et Garcia qui m’attendaient. Nous passâmes la nuit dans un bois auprès d’un feu de pommes de pin qui flambait à merveille. Je proposai à Garcia de jouer aux cartes. Il accepta. À la seconde partie, je lui dis qu’il trichait ; il se mit à rire. Je lui jetai les cartes à la figure. Il voulut prendre son espin-

  1. Navarro fino.
  2. Or esorjié de or narsichislé, sin chismar lachinguel — proverbe bohémien. La promesse d’un nain, c’est de cracher loin.