Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/101

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l’excuser, et serait très reconnaissant, s’il daignait prendre la peine de passer chez lui. Peu après ce message, Orso descendit et demanda à sa sœur si le préfet ne l’avait pas envoyé chercher. — Il vous prie de l’attendre ici, dit-elle avec la plus grande assurance. Une demi-heure s’écoula sans qu’on aperçût le moindre mouvement du côté de la maison des Barricini ; cependant Orso demandait à Colomba si elle avait fait quelque découverte ; elle répondit qu’elle s’expliquerait devant le préfet. Elle affectait un grand calme, mais son teint et ses yeux annonçaient une agitation fébrile.

Enfin, on vit s’ouvrir la porte de la maison Barricini ; le préfet, en habit de voyage, sortit le premier, suivi du maire et de ses deux fils. Quelle fut la stupéfaction des habitants de Pietranera, aux aguets depuis le lever du soleil pour assister au départ du premier magistrat du département, lorsqu’ils le virent, accompagné des trois Barricini, traverser la place en droite ligne et entrer dans la maison della Rebbia. — Ils font la paix ! s’écrièrent les politiques du village.

— Je vous le disais bien, ajouta un vieillard, Orso Antonio a trop vécu sur le continent pour faire les choses comme un homme de cœur.

— Pourtant, répondit un rebbianiste, remarquez que ce sont les Barricini qui viennent le trouver. Ils demandent grâce.

— C’est le préfet qui les a tous embobelinés, le vieillard ; on n’a plus de courage aujourd’hui, et les jeunes gens se soucient du sang de leur père comme s’ils étaient tous des bâtards.

Le préfet ne fut pas médiocrement surpris de trouver Orso debout et marchant sans peine. En deux mots, Colomba s’accusa de son mensonge et lui en demanda pardon : — Si vous aviez demeuré ailleurs, monsieur le