Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/104

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d’un homme d’affaires d’Ajaccio qui nous proposait un nouveau meunier.

En parlant ainsi, elle remit au préfet les papiers qu’elle tenait à la main.

Il y eut un moment d’étonnement général. Le maire pâlit visiblement ; Orso, fronçant le sourcil, s’avança pour prendre connaissance des papiers que le préfet lisait avec beaucoup d’attention.

— On se moque de nous ! s’écria de nouveau Orlanduccio en se levant avec colère. Allons-nous-en, mon père, nous n’aurions jamais dû venir ici !

Un instant suffit à M. Barricini pour reprendre son sang-froid. Il demanda à examiner les papiers ; le préfet les lui remit sans dire un mot. Alors, relevant ses lunettes vertes sur son front, il les parcourut d’un air assez indifférent, pendant que Colomba l’observait avec les yeux d’une tigresse qui voit un daim s’approcher de la tanière de ses petits.

— Mais, dit M. Barricini rabaissant ses lunettes et rendant les papiers au préfet, — connaissant la bonté de feu monsieur le colonel… Tomaso a pensé… il a dû penser… que monsieur le colonel reviendrait sur sa résolution de lui donner congé… De fait, il est resté en possession du moulin, donc…

— C’est moi, dit Colomba d’un ton de mépris, qui le lui ai conservé. Mon père était mort, et dans ma position je devais ménager les clients de ma famille.

— Pourtant, dit le préfet, ce Tomaso reconnaît qu’il a écrit la lettre…, cela est clair.

— Ce qui est clair pour moi, interrompit Orso, c’est qu’il y a de grandes infamies cachées dans toute cette affaire.

— J’ai encore à contredire une assertion de ces messieurs, dit Colomba. — Elle ouvrit la porte de la cuisine, et aussitôt entrèrent dans la salle, Brandolaccio, le licencié