Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/110

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— Il m’en demandera, je n’en doute point ; mais je vous promets de ne pas lui donner d’autres soufflets pour l’engager à se battre.

— Quel pays ! répétait le préfet en se promenant à grands pas. Quand donc reviendrai-je en France ?

— Monsieur le préfet, dit Colomba de sa voix la plus douce, il se fait tard, nous feriez-vous l’honneur de déjeuner ici ?

Le préfet ne put s’empêcher de rire. — Je suis demeuré déjà trop longtemps ici… cela ressemble à de la partialité… Et cette maudite pierre !… Il faut que je parte… Mademoiselle della Rebbia… que de malheurs vous avez préparés peut-être aujourd’hui !

— Au moins, monsieur le préfet, vous rendrez à ma sœur la justice de croire que ses convictions sont profondes ; et, j’en suis sûr maintenant, vous les croyez vous-même bien établies.

— Adieu, monsieur, dit le préfet en lui faisant un signe de la main. Je vous préviens que je vais donner l’ordre au brigadier de gendarmerie de suivre toutes vos démarches.

Lorsque le préfet fut sorti : — Orso, dit Colomba, vous n’êtes point ici sur le continent. Orlanduccio n’entend rien à vos duels, et d’ailleurs ce n’est pas de la mort d’un brave que ce misérable doit mourir.

— Colomba, ma bonne, tu es la femme forte. Je t’ai de grandes obligations pour m’avoir sauvé un bon coup de couteau. Donne-moi ta petite main que je la baise. Mais, vois-tu, laisse-moi faire. Il y a certaines choses que tu n’entends pas. Donne-moi à déjeuner ; et, aussitôt que le préfet se sera mis en route, fais-moi venir la petite Chilina, qui paraît s’acquitter à merveille des commissions qu’on lui donne. J’aurai besoin d’elle pour porter une lettre.

Pendant que Colomba surveillait les apprêts du dé-