Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/126

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bouille une cervelle ! Dites donc, Ors’ Anton’, quand j’ai entendu d’abord pif ! pif ! je me suis dit : Sacrebleu ! ils escofient mon lieutenant. Puis j’entends boum ! boum ! Ah ! je dis, voilà le fusil anglais qui parle : il riposte… Mais, Brusco, qu’est-ce que tu me veux donc ?

Le chien le mena à l’autre enclos. — Excusez ! s’écria Brandolaccio stupéfait. Coup double ! rien que cela ! Peste ! on voit bien que la poudre est chère, car vous l’économisez.

— Qu’y a-t-il, au nom de Dieu ! demanda Orso.

— Allons ! ne faites donc pas le farceur, mon lieutenant ! vous jetez le gibier par terre, et vous voulez qu’on vous le ramasse… En voilà un qui va en avoir un drôle de dessert aujourd’hui ! c’est l’avocat Barricini. De la viande de boucherie, en veux-tu, en voilà ! Maintenant qui diable héritera ?

— Quoi ! Vincentello mort aussi ?

— Très mort. Bonne santé à nous autres[1] ! Ce qu’il y a de bon avec vous, c’est que vous ne les faites pas souffrir. Venez donc voir Vincentello : il est encore à genoux, la tête appuyée contre le mur. Il a l’air de dormir. C’est là le cas de dire : Sommeil de plomb. Pauvre diable !

Orso détourna la tête avec horreur. — Es-tu sûr qu’il soit mort ?

— Vous êtes comme Sampiero Corso, qui ne donnait jamais qu’un coup. Voyez-vous, là…, dans la poitrine, à gauche ? tenez, comme Vincileone fut attrapé à Waterloo. Je parierais bien que la balle n’est pas loin du cœur. Coup double !… Ah ! je ne me mêle plus de tirer. Deux en deux coups !… À balle !… Les deux frères !… S’il avait eu un troisième coup, il aurait tué le papa… On fera mieux une autre fois… Quel coup, Ors’ Anton’ !… Et dire que cela

  1. Salute à noi ! Exclamation qui accompagne ordinairement le mot de mort, et qui lui sert comme de correctif.