Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/153

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Colomba lui passa un bras autour de la taille, et l’embrassant sur le front : Ma petite sœur, dit-elle bien bas, me pardonnez-vous ?

— Il le faut bien, ma terrible sœur, répondit Lydia en lui rendant son baiser.

Le préfet et le procureur du roi logeaient chez l’adjoint de Pietranera, et le colonel, fort inquiet de sa fille, venait pour la vingtième fois leur en demander des nouvelles, lorsqu’un voltigeur, détaché en courrier par le sergent, leur fit le récit du terrible combat livré contre les brigands, combat dans lequel il n’y avait eu, il est vrai, ni morts ni blessés, mais où l’on avait pris une marmite, un pilone et deux filles qui étaient, disait-il, les maîtresses ou les espionnes des bandits. Ainsi annoncées comparurent les deux prisonnières au milieu de leur escorte armée. On devine la contenance radieuse de Colomba, la honte de sa compagne, la surprise du préfet, la joie et l’étonnement du colonel. Le procureur du roi se donna le malin plaisir de faire subir à la pauvre Lydia une espèce d’interrogatoire qui ne se termina que lorsqu’il lui eut fait perdre toute contenance.

— Il me semble, dit le préfet, que nous pouvons bien mettre tout le monde en liberté. Ces demoiselles ont été se promener, rien de plus naturel par un beau temps ; elles ont rencontré par hasard un aimable jeune homme blessé, rien de plus naturel encore. Puis, prenant à part Colomba : — Mademoiselle, dit-il, vous pouvez mander à votre frère que son affaire tourne mieux que je ne l’espérais. L’examen des cadavres, la déposition du colonel, démontrent qu’il n’a fait que riposter, et qu’il était seul au moment du combat. Tout s’arrangera, mais il faut qu’il quitte le mâquis au plus vite et qu’il se constitue prisonnier.

Il était près de onze heures lorsque le colonel, sa fille et Colomba se mirent à table devant un souper refroidi.