Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/178

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Je ne pus m’empêcher de sourire, tant l’explication me parut tirée par les cheveux.

— C’est une terrible langue que le latin avec sa concision, observai-je pour éviter de contredire formellement mon antiquaire, et je reculai de quelques pas afin de mieux contempler la statue.

— Un instant, collègue ! dit M. de Peyrehorade en m’arrêtant par le bras, vous n’avez pas tout vu. Il y a encore une autre inscription. Montez sur le socle et regardez au bras droit. En parlant ainsi il m’aidait à monter.

Je m’accrochai sans trop de façons au cou de la Vénus, avec laquelle je commençais à me familiariser. Je la regardai même un instant sous le nez, et la trouvai de près encore plus méchante et encore plus belle. Puis je reconnus qu’il y avait, gravés sur le bras, quelques caractères d’écriture cursive antique, à ce qu’il me sembla. À grand renfort de bésicles j’épelai ce qui suit, et cependant M. de Peyrehorade répétait chaque mot à mesure que je le prononçais, approuvant du geste et de la voix. Je lus donc :

VENERI TVRBVL…
EVTYCHES MYRO
IMPERIO FECIT.

Après ce mot TVRBVL de la première ligne, il me sembla qu’il y avait quelques lettres effacées ; mais TVRBVL était parfaitement lisible.

— Ce qui veut dire ?… me demanda mon hôte radieux et souriant avec malice, car il pensait bien que je ne me tirerais pas facilement de ce TVRBVL.

— Il y a un mot que je ne m’explique pas encore, lui dis-je ; tout le reste est facile. Eutychès Myron a fait cette offrande à Vénus par son ordre.