Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/285

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Giuseppa courut après Mateo et lui saisit le bras. — C’est ton fils, lui dit-elle d’une voix tremblante en attachant ses yeux noirs sur ceux de son mari, comme pour lire ce qui se passait dans son âme.

— Laisse-moi, répondit Mateo : je suis son père.

Giuseppa embrassa son fils et entra en pleurant dans sa cabane. Elle se jeta à genoux devant une image de la Vierge et pria avec ferveur. Cependant Falcone marcha quelque deux cents pas dans le sentier, et ne s’arrêta que dans un petit ravin où il descendit. Il sonda la terre avec la crosse de son fusil et la trouva molle et facile à creuser L’endroit lui parut convenable pour son dessein.

— Fortunato, va auprès de cette grosse pierre.

L’enfant fit ce qu’il lui commandait, puis il s’agenouilla.

— Dis tes prières.

— Mon père, mon père, ne me tuez pas.

— Dis tes prières ! répéta Mateo d’une voix terrible.

L’enfant, tout en balbutiant et en sanglotant, récita le Pater et le Credo. Le père, d’une voix forte, répondait Amen ! à la fin de chaque prière.

— Sont-ce là toutes les prières que tu sais ?

— Mon père, je sais encore l’Ave Maria et la litanie que ma tante m’a apprise.

— Elle est bien longue, n’importe.

L’enfant acheva la litanie d’une voix éteinte.

— As-tu fini ?

— Oh ! mon père, grâce ! pardonnez-moi ! Je ne le ferai plus ! Je prierai tant mon cousin le caporale qu’on fera grâce au Gianetto !

Il parlait encore ; Mateo avait armé son fusil et le couchait en joue en lui disant : Que Dieu te pardonne ! L’enfant fit un effort désespéré pour se relever et embrasser les genoux de son père ; mais il n’en eut pas le temps. Mateo fit feu, et Fortunato tomba roide mort.