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L’ENLÈVEMENT
DE LA REDOUTE.


Un militaire de mes amis, qui est mort de la fièvre en Grèce il y a quelques années, me conta un jour la première affaire à laquelle il avait assisté. Son récit me frappa tellement, que je l’écrivis de mémoire aussitôt que j’en eus le loisir. Le voici :

« Je rejoignis le régiment le 4 septembre au soir. Je trouvai le colonel au bivouac. Il me reçut d’abord assez brusquement ; mais, après avoir lu la lettre de recommandation du général B***, il changea de manières, et m’adressa quelques paroles obligeantes.

» Je fus présenté par lui à mon capitaine, qui revenait à l’instant même d’une reconnaissance. Ce capitaine, que je n’eus guère le temps de connaître, était un grand homme brun, d’une physionomie dure et repoussante. Il avait été simple soldat, et avait gagné ses épaulettes et sa croix sur les champs de bataille. Sa voix, qui était enrouée et faible, contrastait singulièrement avec sa stature presque gigantesque. On me dit qu’il devait cette voix étrange à une balle qui l’avait percé de part en part à la bataille d’Iéna.

» En apprenant que je sortais de l’école de Fontaine-