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LETTRES
ADRESSÉES D’ESPAGNE
AU DIRECTEUR DE LA REVUE DE PARIS


I.
1831.

Madrid, 25 octobre 1830
Monsieur,

Les courses de taureaux sont encore très en vogue en Espagne ; mais parmi les Espagnols de la classe élevée il en est peu qui n’éprouvent une espèce de honte à avouer leur goût pour un genre de spectacle certainement fort cruel ; aussi cherchent-ils plusieurs graves raisons pour le justifier. D’abord, c’est un amusement national. Ce mot national suffirait seul, car le patriotisme d’antichambre est aussi fort en Espagne qu’en France. Ensuite, disent-ils, les Romains étaient encore plus barbares que nous, puisqu’ils faisaient combattre des hommes contre des hommes. Enfin, ajoutent les économistes, l’agriculture profite de cet usage, car le haut prix des taureaux de combat engage les propriétaires à élever de nombreux troupeaux. Il faut savoir que tous les taureaux n’ont point le mérite de courir