Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/469

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Et, se levant avec vivacité, il courut chercher une guitare et se mit à improviser un couplet en l’honneur des nouveaux époux.

Bref, pendant le reste du dîner et le bal qui le suivit, il se rendit tellement aimable, que les femmes avaient les larmes aux yeux en pensant qu’un aussi charmant garçon finirait peut-être un jour à la potence. Il dansa, il chanta, il se fit tout à tous. Vers minuit, une petite fille de douze ans, à demi vêtue de mauvaises guenilles, s’approcha de Jose Maria, et lui dit quelques mots dans l’argot des bohémiens. Jose Maria tressaillit : il courut à l’écurie, d’où il revint bientôt emmenant son bon cheval. Puis s’avançant vers la mariée, un bras passé dans la bride : « Adieu, » dit-il, « enfant de mon âme (hija de mi alma), jamais je n’oublierai les moments que j’ai passés auprès de vous. Ce sont les plus heureux que j’aie vus depuis bien des années. Soyez assez bonne pour accepter cette bagatelle d’un pauvre diable qui voudrait avoir une mine à vous offrir. » Il lui présentait en même temps une jolie bague.

— « Jose Maria, » s’écria la mariée, « tant qu’il y aura un pain dans cette maison, la moitié vous appartiendra. »

Le voleur serra la main à tous les convives, celle même du notaire, embrassa toutes les femmes ; puis, sautant lestement en selle, il regagna ses montagnes. Alors seulement le notaire respira librement. Une demi-heure après arriva un détachement de miquelets, mais personne n’avait vu l’homme qu’ils cherchaient.

Le peuple espagnol, qui sait par cœur les romances des Douze Pairs, qui chante les exploits de Renaud de Montauban, doit nécessairement s’intéresser beaucoup au seul homme qui, dans un temps aussi prosaïque que le nôtre, fait revivre les vertus chevaleresques des anciens preux. Un autre motif contribue encore à augmenter la popularité de Jose Maria. Il est extrêmement généreux. L’argent ne