leux instinct de reconnaître un voltigeur sous quelque déguisement que ce fût. Enfin il coupa un morceau de pain et une tranche de jambon cru, qu’il donna à sa nièce.
— La belle vie que celle de bandit ! s’écria l’étudiant en théologie après avoir mangé quelques bouchées. Vous en tâterez peut-être un jour, monsieur della Rebbia, et vous verrez combien il est doux de ne connaître d’autre maître que son caprice. Jusque-là, le bandit s’était exprimé en italien ; il poursuivit en français : La Corse n’est pas un pays bien amusant pour un jeune homme ; mais pour un bandit, quelle différence ! Les femmes sont folles de nous. Tel que vous me voyez, j’ai trois maîtresses dans trois cantons différents. Je suis partout chez moi. Et il y en a une qui est la femme d’un gendarme.
— Vous savez bien des langues, monsieur, dit Orso d’un ton grave.
— Si je parle français, c’est que, voyez-vous, « maxima debetur pueris reverentia. » Nous entendons, Brandolaccio et moi, que la petite tourne bien et marche droit.
— Quand viendront ses quinze ans, dit l’oncle de Chilina, je la marierai bien. J’ai déjà un parti en vue.
— C’est toi qui feras la demande ? dit Orso.
— Sans doute. Croyez-vous que si je dis à un richard du pays : Moi, Brando Savelli, je verrais avec plaisir que votre fils épousât Michelina Savelli, croyez-vous qu’il se fera tirer les oreilles ?
— Je ne le lui conseillerais pas, dit l’autre bandit. Le camarade a la main un peu lourde.
— Si j’étais un coquin, poursuivit Brandolaccio, une canaille, un supposé, je n’aurais qu’à ouvrir ma besace, les pièces de cent sous y pleuvraient.
— Il y a donc dans ta besace, dit Orso, quelque chose qui les attire ?
— Rien ; mais si j’écrivais, comme il y en a qui l’ont