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L’INSPECTEUR GÉNÉRAL.

Bobtchinski.

Ne faites pas attention ; j’irai à pied, je courrai derrière le drochki… pourvu que je puisse regarder par une fente au travers de la porte, et savoir ce qu’il fait

Le Gouverneur, prenant son cpée que Svistinof lui apporte.

Va-t’en bien vite, prendre les dizainiers, et que chacun d’eux m’empoigne… — Ah ! comme cette épée est abîmée ! Ce maudit marchand Avdouline ! il voit que le gouverneur a une vieille épée, et il ne lui en envoie pas une neuve ! Quel tas de coquins ! Ah ! mes drôles ! et je suis bien sûr qu’ils ont déjà leurs pétitions toutes prêtes, et qu’il en va sortir de dessous les pavés… — Il faut que chacun m’empoigne la rue… Le diable emporte la rue… ! qu’il m’empoigne un balai, veux-je dire, et qu’on me nettoie la rue devant l’hôtel, et qu’elle soit propre… Écoute. Fais attention ! Je te connais, toi ! Tu fais le bon apôtre, oui, et tu fourres des cuillers d’argent dans tes bottes. Prends-y garde. Ne m’échauffe pas les oreilles. Quel tripotage as-tu fait chez le marchand Tchernaïcf ? Hein ? Il t’a donné deux archines de drap pour te faire un uniforme, et tu as chipé toute la pièce. Prens-y garde. Tu n’es pas d’un rang à voler comme cela[1] ! File !



Scène V.

Les Mêmes, L’INSPECTEUR DE QUARTIER.
Le Gouverneur.

Ah ! Stepane Ilitch, dites-moi donc, pour l’amour de

  1. Ty ne po tchinou berëch, mot à mot : tu ne prends pas selon ton grade. Le grade, tchin, règle les préséances en Russie. On entre dans une salle à manger, on s’assied, po tchinou, selon le grade. J’ai été obligé de changer l’expression et d’en affaiblir l’énergie pour la rendre intelligible au lecteur français.