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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

Il est pourtant très-Français dans ses opinions sur la peinture, bien qu’il prétende la juger en Italien. Il apprécie les maîtres avec les idées françaises, c’est-à-dire au point de vue littéraire. Les tableaux des écoles d’Italie sont examinés par lui comme des drames. C’est encore la façon de juger en France, où l’on n’a ni le sentiment de la forme, ni un goût inné pour la couleur. Il faut une sensibilité particulière et un exercice prolongé pour aimer et comprendre la forme et la couleur. Beyle prête des passions dramatiques à une Vierge de Raphaël. J’ai toujours soupçonné qu’il aimait les grands peintres des écoles lombarde et florentine parce que leurs ouvrages le faisaient penser à bien des choses auxquelles sans doute les maîtres ne pensaient pas. C’est le propre des Français de tout juger par l’esprit. Il est juste d’ajouter qu’il n’y a pas de langue qui puisse exprimer les finesses de la forme ou la variété des effets de la couleur. Faute de pouvoir exprimer ce qu’on sent, on décrit d’autres sensations qui peuvent être comprises par tout le monde.

Il sentait mieux la sculpture de Canova que toute autre, même que les statues grecques ; peut-être est-ce parce que Canova a travaillé pour les gens de