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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

II

J’ai connu Beyle vers 1820 ; depuis cette époque jusqu’à sa mort, malgré la différence de nos âges, nos relations ont toujours été intimes et suivies. Peu d’hommes m’ont plu davantage ; il n’y en a point dont l’amitié m’ait été plus précieuse. Sauf quelques préférences et quelques aversions littéraires, nous n’avions peut-être pas une idée en commun, et il y avait peu de sujets sur lesquels nous fussions d’accord. Nous passions notre temps à nous disputer l’un et l’autre de la meilleure foi du monde, chacun soupçonnant l’autre d’entêtement et de paradoxe ; au demeurant bons amis, et toujours charmés de recommencer nos discussions. Quelque temps je l’ai soupçonné de viser à l’originalité. J’ai fini par le croire parfaitement sincère. Aujourd’hui, rappelant tous mes souvenirs, je suis persuadé que ses bizarreries étaient très-naturelles, et ses paradoxes le résultat ordinaire de l’exagération où la contradiction entraîne insensiblement.