Aller au contenu

Page:Mérimée - Portraits historiques et littéraires (1874).djvu/183

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
HENRI BEYLE (STENDHAL).

liaison qu’il avait toujours chérie. Une pensée à laquelle il rapportait tout allait être effacée. Il me racontait les témérités d’autrefois de cette femme aujourd’hui si prudente, et ses souvenirs le transportaient. Puis, avec l’esprit d’observation qui ne l’abandonnait jamais, il détaillait tous les petits symptômes, toutes les indications d’indifférence croissante qu’il avait dû remarquer. La lo-gique n’était pas oubliée. « Sa conduite, après tout, disait-il, est raisonnable. Elle aimait le whist, elle ne l’aime plus ; tant pis pour moi si j’aime encore le whist. Elle est d’un pays où le ridicule est le plus grand de tous les malheurs. Aimer à son âge est ridicule. Il y a dix-huit mois qu’elle risque ce malheur pour moi. C’est pour moi dix-huit mois de bonheur que j’ai volés. » Nous discutâmes longuement sur la vérité de ces vers du Dante :

..... Nessum maggior dolore
Che ricordarsi del tempo felice
Nella miseria.

Il prétendait que Dante avait tort, et que les souvenirs du temps heureux sont partout et toujours du bonheur. Je me souviens que je défendais le