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Page:Mérimée - Portraits historiques et littéraires (1874).djvu/22

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PORTRAITS HISTORIQUES ET LITTÉRAIRES.

qui le premier, en Espagne, tira la comédie de ses langes, pour la revêtir d’habits de cérémonie, et lui donner de la pompe et de l’éclat. Moi, le plus vieux de la société, je dis alors, que je me souvenais d’avoir vu jouer le grand Lope de Rueda, homme remarquable par son jeu et son esprit. Il était natif de Séville, et de sa profession batteur d’or. Dans la poésie pastorale, il était admirable, et dans ce genre, ni alors, ni depuis, personne ne l’a pu surpasser. Bien que je fusse très-jeune, et par conséquent assez mauvais juge de la bonté de ses vers, cependant, par plusieurs qui me sont restés dans la mémoire, je m’aperçois, maintenant que me voilà parvenu à un âge mûr, que je n’ai point exagéré son mérite ; et si je ne craignais de sortir du but de ce prologue, j’en citerais quelques-uns, qui prouveraient mon dire. Du temps de ce célèbre Espagnol, tout l’appareil d’un directeur de théâtre s’enfermait dans un sac à froment, et se réduisait à peu près à quatre vestes en peau de mouton blanches, garnies de franges dorées, quatre barbes postiches, avec les perruques, et quatre houlettes. Les comédies n’étaient que des dialogues, et des espèces d’églogues entre deux ou trois bergers et une