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CHARLES LENORMANT.

qu’ils parvinrent à gagner la terre, non loin de Mégare. M. François Lenormant, tourmenté lui-même par la fièvre, dut laisser son père aux soins des matelots, pour se traîner à pied jusqu’à Mégare et y demander du secours. Il revint bientôt avec une charrette et conduisit son père à la ville, où ils trouvèrent non des secours, mais du moins un toit hospitalier. Le 17, M. Lenormant, soutenu par deux hommes, se faisait conduire devant les ruines antiques. Il disait à ses guides, épouvantés de sa faiblesse : « Il faut bien que je fasse mon métier. » En Grèce comme en Italie, on fuit avec une terreur superstitieuse le contact des mourants. Le courrier de la poste qui partait pour Athènes ne voulait pas recevoir M. Lenormant dans sa voiture ; il fallut que le démarque de Mégare chargeât deux gendarmes de le surveiller jusqu’à son arrivée à Athènes. C’était bien en effet un mourant qu’il conduisait. Ni les secours de la médecine, ni les soins empressés de ses amis ne pouvaient rappeler M. Lenormant à la vie. Depuis quelques jours il sentait qu’elle allait lui échapper et il se préparait à la mort avec sang-froid. Il accomplit ses devoirs religieux, dicta son testament avec le plus grand calme, et le 22 novembre il expirait en serrant les mains de son fils.