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ALEXANDRE POUCHKINE.

leurs contemporains, l’Anglais et le Russe, tour à tour méfiants et téméraires, ont imposé leur génie et régné comme des despotes pleins de mépris pour leurs sujets.

On pourrait remarquer encore d’autres ressemblances dans leurs manières d’écrire et jusque dans leur langue poétique, si l’on peut ainsi parler. Tous les deux, par exemple, se distinguent par leur concision, et, comme Perse, se sont appliqués à renfermer dans leurs vers « plus de sens que de mots. » Cependant lord Byron, né dans un pays d’habitudes oratoires, où l’on parle à toute occasion, et où trop souvent on écrit comme on parle, n’a jamais daigné faire un choix entre les idées qui se présentaient en foule à son imagination. Bien qu’il les exprime toujours sous la forme la plus resserrée, il n’en écarte aucune, et souvent les jette pêle-mêle, à mesure qu’elles s’offrent à lui, en sorte que sa pensée, qui d’abord avait été rendue avec énergie, s’affaiblit en se reproduisant sous une forme moins frappante et avec un tour moins heureux. Trop peu confiant dans l’intelligence ou l’imagination de son lecteur, il veut tout lui expliquer ; il se commente lui-même, et le moindre risque qu’il court, c’est de nous rendre, pour