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ALEXANDRE POUCHKINE.

sa femme ; mais celle-ci est prudente, et sa science du monde, nouvellement acquise, elle s’en sert pour éviter le danger, sans paraître le craindre ou même le soupçonner. À son tour, Oniéghine lui écrit ; il lui envoie lettre sur lettre ; pas une n’obtient de réponse. Désespéré, il pénètre un jour dans l’appartement de Tatiana et la surprend tout en pleurs lisant les lettres qu’il lui a adressées. — « Vous savez mon secret, lui dit-elle ; je vous ai toujours aimé ; mais je suis mariée. Adieu pour toujours. » Ainsi finit le poëme.

J’ai remarqué l’imitation du Don Juan dans la première partie de l’ouvrage, publiée plusieurs années avant la seconde ; elle cesse complètement dans la suite du poëme. Tous les caractères sont d’une vérité merveilleuse. Rien n’est forcé, tout est simple, facile, mais revêtu du plus admirable coloris. Il n’appartient pas à un Français d’apprécier la versification de Pouchkine, mais il n’y a pas de Russe instruit qui ne sache par cœur presque tous les vers d’Eugène Oniéghine.

S’il fallait résumer en quelques mots le caractère des poëmes de Pouchkine, il faudrait noter la simplicité de la composition, la sobriété des détails, et surtout le tact exquis qui les fait choisir. Telle est