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Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/131

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Don Esteban.. Pouah ! le joli proverbe dans la bouche de la baronne de Mendoza ! (À part.) J’enrage !

Inès. Tu ne fais que me tarabuster pour des prunes. On n’a pas un instant de repos avec toi.

Don Esteban se promenant à grands pas. Ah !

Inès. Est-ce ma faute à moi, si tu es de mauvaise humeur ? Parce que nos voisins nous donnent des tracasseries, c’est moi qui dois en souffrir !

Don Esteban. Les insolents ! oh ! je m’en vengerai !

Inès. Aussi, pourquoi les aller déterrer dans leurs gentilhommières, les inviter ici ? Gueux comme des rats d’église et vains comme des paons, ils se croiraient déshonorés s’ils nous témoignaient des égards. Et tout cela à cause de mon pauvre père ! Lui, il a acheté sa noblesse assez cher. Tu dois t’en souvenir, Esteban ?

Don Esteban lui serrant la main. Chère Inès, je ne l’oublierai jamais ! Mais, dis-moi, le plus froid des hommes ne se mettrait-il pas en fureur à voir ces petits hidalgos, à mille réaux de rente, arrivant les uns après les autres avec la même histoire ? « Mon épouse, madame la comtesse une telle, est indisposée. — Doña une telle est incommodée… » Et leur insolence méditée pour ton père, et cette affectation de ne jamais t’appeler doña Inès, de ne jamais t’adresser la parole !… Oh ! j’étais hors de moi !…

Inès. Bon ! il fallait en rire !

Don Esteban. Je ne vois rien de risible là dedans. Et à propos, tu leur donnais de ton côté ample sujet de rire, avec tes naïvetés et tes mots galiciens ! Et puis, pourquoi dire que tu avais préparé toi-même les pois chiches ? Est-ce que tu devrais savoir faire la cuisine ?

Inès. Dame ! tu disais autrefois que je les accommodais si bien…

Don Esteban. Ils en riront pendant un mois ! Madame la baronne qui épluche des pois chiches !

Inès. Pois chiches ou autres, ils en ont mangé comme gens qui jeûnent souvent chez eux.

Don Esteban. En outre, malgré mille et mille avertissements, tu n’as jamais manqué de m’appeler mon cœur. Y a-t-il rien de plus ridicule ? Cela sent le village d’une lieue.