Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/227

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
Le Vice-Roi.

Quoi donc encore ?

Martinez.

Oh ! de ces histoires qu’il a ramassées je ne sais où… Par exemple, qu’un soir un sergent de ronde attrapa dans la rue du Palais un homme qui n’avait qu’un manteau par-dessus sa chemise : à la vérité, il tenait ses chausses à la main. D’abord on le prit pour un voleur ; mais arrivé au corps de garde, le lieutenant de service vit que ce prétendu voleur était le capitaine Aguirre. — Mais qu’est-ce que cela prouve ?

Le Vice-Roi.

Quelle nuit ?

Martinez.

Il disait la nuit du vendredi au samedi… Cette nuit que nous avons attendu si longtemps… Mais, dans la rue du Palais, il y a quelques dames qui ne sont pas des plus farouches… Je présume que le capitaine courtise la señora Beatriz… Ah ! mais je me trompe ; car il y a près de quinze jours qu’elle est partie pour Quito… Si ce n’est elle, ce sera une autre…

Le Vice-Roi.

Est-ce là tout ce que tu sais ?

Martinez.

Hélas ! monseigneur ! Votre Altesse sait bien que les médisances ne s’arrêtent jamais en beau chemin, et qu’une fois que les mauvaises langues ont commencé à s’exercer sur quelqu’un, elles trouvent bientôt qui leur fait chorus… Mais ce qui me reste à dire est si extravagant, que je crains d’ennuyer Votre Altesse en le lui répétant.

Le Vice-Roi.

Point. Cela ne m’ennuie pas. Continue.

Martinez.

Au dernier combat de taureaux… en vérité la médisance est assez bien arrangée pour les détails, mais pour le fond elle est d’une absurdité criante. Au dernier combat de taureaux, Votre Altesse a peut-être remarqué un grand gaillard bien fait, léger comme une panthère, courageux comme un lion, un cholo3 nommé Ramon, et qui est un des habiles matadors de Lima ?

Le Vice-Roi.

Eh bien ?

Martinez.

On dit… vous savez que les faiseurs de médisances disent tout ce qui leur vient à l’esprit… on dit qu’il n’est pas sans exemple que quelques-uns de ces messieurs aient osé prétendre aux bonnes grâces de certaines dames de haut parage… et, ce qui est bien plus extraordinaire, que l’on a vu des dames, distinguées par leur naissance ou