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Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/76

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des Palafox, et sont devenues des citadelles imprenables comme Sarragosse. — Toutes nos provinces sont envahies, — mais partout le Français est assiégé dans son camp. — Notre roi est captif, mais nous avons des Pélages. En Espagne, messieurs ! et guerre à mort aux Français16 !

Tous. En Espagne !

Le marquis. Je vais passer les troupes en revue. Don Juan, assure-toi de ce coquin de résident. Tu connais mes intentions ?

Il sort avec les officiers espagnols et danois.

Charles Leblanc. Ma foi ! monsieur le colonel, votre petite drôlerie est fort plaisante. Mais que je sois pendu si ce n’est pas ma damnée de mère qui vous a tout dit.

Don Juan. Quel est votre nom ?

Charles Leblanc. Charles Leblanc, lieutenant aux grenadiers de la garde impériale.

Don Juan. Se peut-il, monsieur, qu’un militaire appartenant à un corps si justement honoré s’abaisse jusqu’à faire le métier d’assassin ?

Charles Leblanc. Colonel, ce n’est pas à moi que ce nom appartient. Je ne voulais assassiner personne.

Don Juan. Et ces chasseurs ?…

Charles Leblanc. D’abord, ils ne devaient tirer qu’à la dernière extrémité ; mais ensuite il n’y a pas d’assassinat là dedans, mais bien une embuscade, ce qui est tout autre chose. Un assassinat, c’est très-bien pour un coquin de moine17 ou un mouchard. — Mais une embuscade, c’est très-permis à un brave militaire.

Don Juan. Monsieur, il me semble que vous entendez mieux les articles du code militaire que les distinctions d’honnête et de criminel. — Me direz-vous ce que mérite un militaire qui vient à une embuscade en habit bourgeois ?

Charles Leblanc. Je sens que si vous me faites fusiller, comme vous en avez le droit, je n’aurai pas le mot à dire ; mais, comme je tiens beaucoup à ne pas paraître un mouchard devant un brave officier que j’estime, je vous ferai remarquer, et notez bien que je ne demande pas la vie, remarquer que je n’ai pas cherché le moins du monde à surprendre vos secrets, à voir où étaient campés vos régiments, où était parquée votre artillerie ; rien de tout