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Page:Mérimée - Théâtre de Clara Gazul, 1857.djvu/9

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NOTICE
SUR CLARA GAZUL


C’est à Gibraltar, où j’étais en garnison avec le régiment suisse de Watteville, que je vis pour la première fois mademoiselle Gazul. Elle avait alors quatorze ans (1813). Son oncle, le licencié Gil Vargas de Castañeda, commandant d’une guerrilla andalouse, venait d’être pendu par les Français, en laissant doña Clara confiée à la tutelle du père Fray Roque Medrano, son parent et inquisiteur au tribunal de Grenade.

Ce vénérable personnage avait défendu à sa pupille de lire d’autres livres que ses Heures ; et, pour rendre sa défense plus efficace, il avait fait brûler tous les volumes que le pauvre licencié Gil Vargas avait légués à sa nièce. De là vient, je crois, la haine de l’auteur pour ces membres d’un ordre religieux que la sagesse du roi d’Espagne vient de supprimer. J’avais dans mon petit bagage trois ou quatre volumes dépareillés ; je les donnai à Clara, et ce cadeau, qui lui parut fort précieux, commença notre connaissance. Je l’ai toujours cultivée avec soin pendant le long séjour que je fis en Espagne, après la guerre de l’indépendance, et plus qu’un autre je suis en état de démêler la vérité d’une foule de mensonges que l’on débite dans son pays sur le compte de cette femme singulière.

On ne sait presque rien de ses premières années. Voici cependant ce que je tiens d’elle-même. Un soir que nous fumions, Serrés autour de son brasero, un curé qui se trouvait parmi nous lui demanda où et de qui elle était née ; sur quoi Clara, qui était en humeur conteuse, nous conta l’histoire suivante, que je suis loin de garantir.

« Je suis née, nous dit-elle, sous un oranger sut le bord d’un chemin, non loin de Motril, dans le royaume de Grenade. Ma mère faisait profession de dire la bonne aventure. Je l’ai suivie, ou plutôt elle m’a portée sur son dos jusqu’à l’âge de cinq ans. Alors elle me mena chez un chanoine de Grenade (le licencié