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Page:Méry - La guerre du Nizam, Hachette, 1859.djvu/103

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naire, avec cette insouciance radieuse qui sourit au crime et à la vertu, et ne garde aucun ressentiment contre les ténèbres nocturnes qui viennent profiter de son absence pour couvrir de sanglantes horreurs. Les cimes des arbres souriaient, comme aux âges primitifs, lorsque leurs ombrages ne protégeaient que de candides pasteurs, innocents comme leurs troupeaux. La nature resplendissait de cette gaieté virginale qui ne fait rien soupçonner d’odieux dans le domaine des hommes, et conseille d’user de ce jour nouveau comme d’une faveur divine qui pouvait rester dans le trésor du ciel.

La terrasse de l’habitation de Nerbudda est pleine de cette gracieuse et sereine animation qui accompagne les heures matinales. Les serviteurs soulèvent les persiennes des salles basses ; les oiseaux chantent dans les volières ; les chevaux et les bœufs sortent des étables ; les jardiniers cueillent les fleurs aimées de la jeune Arinda ; les chanteurs ambulants, arrivés la veille au tomber du jour, quittent la maison hospitalière, et vont quêter leur pain au village de Roudjah. Le vieux nabab préside à l’inauguration des travaux, avec cette tristesse d’habitude que donne la possession d’une mine de diamants, et attend le lever de sa fille pour laisser courir un sourire sur son impassible visage de métal.

À l’heure du premier repas du matin servi sous les arbres, Arinda descend sur la terrasse, et, regardant autour d’elle avec inquiétude, elle s’étonne, dans un monologue mental, d’arriver la première à ce rendez-vous de famille.

Mais sir Edward n’était pas homme à laisser trahir quelque chose des secrets de la nuit par une imprudente prolongation de sommeil. À la faveur des grands arbres, il dissimule adroitement sa sortie, et marche