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Page:Méry - La guerre du Nizam, Hachette, 1859.djvu/118

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Edward et Douglas étaient seuls.

Ils croisèrent les bras et se regardèrent quelque temps en silence, s’interrogeant mutuellement avec les yeux. Le colonel parla le premier.

« Edward, dit-il, voici une de vos phrases d’hier : Je voudrais bien que Dieu me dît si la comtesse Octavie est un ange ou un démon ! Edward, êtes-vous fixé, maintenant ?

— Je l’avais flattée dans ma dernière supposition, mon cher Douglas ; j’avais calomnié le diable… Eh ! maintenant je respire un peu ; l’impression première est passée. Tout à l’heure j’ai fait le semblant de rire, et il me semble à moi-même que j’ai ri… Il faut avoir deux choses dans ce monde pour vivre jusqu’à sa mort, sans se courber : le courage des crises bourgeoises et la santé de ses passions. Ces deux qualités vous manquent, cher Douglas. Vous vous trahissez comme un enfant.

— Mais avez-vous bien envisagé ma position, mon cher Edward ?

— Oui, Douglas.

— Sur toutes ses faces ?

— Oui.

— Eh bien, Edward, vous pensez qu’il y a dans l’arsenal du cœur une espèce de courage pour subir avec calme ce coup de foudre ?

— Et moi, Douglas, suis-je sur des roses ? vous dirais-je comme l’empereur Guatimozin… La tigresse blanche arrive pour me dévorer…

— Et qui vous empêche de fuir, vous, Edward ? Votre honneur militaire n’est pas en jeu.

— Je tiens à mon honneur civil comme vous tenez au vôtre… Je ne puis pas fuir aujourd’hui, parce que nous nous sommes battus hier. Que diraient vos jeunes officiers de Roudjah, que dirait mon brave Nizam, et