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Page:Méry - La guerre du Nizam, Hachette, 1859.djvu/19

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fait. L’homme que je pourrais choisir serait celui qui attacherait à mon anneau nuptial le souvenir ineffaçable d’une action grande ou vulgaire, mais inventée pour me plaire et accomplie pour moi. Dans les mauvais jours de la vie, dans les moments où l’affection doute, dans les heures où l’amour perd une illusion et marche vers un regret, je me sauverai moi-même avec ce souvenir ; ce serait un remède moral qui me rendrait ma lune de miel. Mon époux paraîtra toujours devant moi précédé de cette action, qui fut l’éclatante et incontestable preuve de son amour. Le malheur du veuvage enlève du moins aux jeunes femmes la candeur étourdie du couvent : elles ne sont plus exposées aux surprises ; elles ne jouent pas la tranquillité de leur vie avec le premier jeune fou venu, converti la veille à la foi du mariage par le cinquième acte d’une comédie, et qui se présente escorté d’un notaire et de ses parents. Je veux donc profiter de mes avantages, et voilà ce que j’ai résolu… Il y a eu des époques en France où les amoureux n’auraient osé déclarer leur passion, si elle n’était déjà prouvée dans un tournoi, une bataille, une croisade. C’était l’âge d’or de notre sexe. Les hommes ont fait une révolution tout exprès contre nous ; ils se sont tous proclamés rois absolus ; depuis l’invention de la liberté, nous sommes vos humbles esclaves. Eh bien ! il faut que, de temps en temps, quelque courageuse femme fasse une petite contre-révolution à son profit, et abolisse la loi salique dans sa maison. L’exemple se propagera, j’espère, et nous aurons peut-être un jour notre Restauration, messieurs.

— Vous avez le tort d’avoir perpétuellement raison, madame, dit M. de Lucy en s’inclinant ; il est impossible…

— Oh ! monsieur de Lucy, trêve aux compliments,