Page:Méry - La guerre du Nizam, Hachette, 1859.djvu/21

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Le canot aperçu confusément dans le lointain avançait avec une rapidité merveilleuse ; aussi, il était difficile de supposer qu’il avait pour rameurs deux domestiques de la comtesse Octavie de Verzon. Douze rames vigoureusement conduites fendaient d’un seul coup l’eau du golfe, et remontaient en secouant une rosée phosphorescente qui éclairait à chaque élan des faces brunes de marins.

Le comte Élona descendit au débarcadère à tout hasard, pour exécuter les ordres de la jeune femme ; mais il s’aperçut bientôt que ce n’était point le canot attendu.

Un homme de taille haute et fière, vêtu avec une suprême élégance, et dont le visage, éclairé par les étoiles, avait un admirable caractère de douceur, d’audace et de distinction, s’élança du canot sur la rive, et se trouva face à face avec le comte Élona.

« Monsieur, dit-il à peine débarqué, je ne crois pas m’être trompé ; c’est bien ici le petit port de la maison de campagne du consul ?

— Oui, monsieur, dit Élona.

— On y donne une fête pour le mariage du colonel Douglas ?

— Oui, monsieur.

— Je n’ai pas l’honneur d’être invité ; je ne suis pas présenté au consul ; il faut pourtant que je parle au colonel Douglas ; puis-je espérer de votre obligeance que vous donnerez cette carte de visite au colonel ? Je réclame cela de vous, monsieur, comme un service dont je vous serai très-reconnaissant. »

Le comte Élona prit la carte et regarda le canot avec une attention singulière.

L’inconnu, nouveau débarqué, fit un mouvement d’impatience qui signifiait : « Eh bien ! vous ne répondez pas ! vous ne partez pas !