Page:Méry - La guerre du Nizam, Hachette, 1859.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

XII

Une lettre de sir Edward.

Octavie s’enferma dans son appartement et ne descendit plus, même lorsque la cloche sonna le repas.

Elle se trouvait dans cette singulière disposition d’esprit dont une femme ne sait pas se rendre compte, et qui, ne pouvant être clairement expliquée, produit une irritation vague et un intolérable ennui. Octavie ne savait pas trop bien si elle aimait le comte Élona ou si elle le détestait. L’amour qui n’a point encore jeté de racines, et la haine qui vient de cet amour dédaigné en naissant, composent, dans les ténèbres du cœur, une passion étrange et sans nom humain.

La nuit dernière, grande et longue comme une vie, avait, il est vrai, rejeté dans un passé lointain cet amour ou cette haine, et dévoilé un nouvel horizon à la jeune femme ; mais la blessure de l’amour-propre, bien plus vive que celle des autres sentiments, saignait encore. La comtesse Octavie, avant de se hasarder dans un autre rêve d’avenir, aurait voulu se délivrer entièrement, par un procédé quelconque, des vagues inquiétudes du passé. Elle aurait voulu surtout voir s’accomplir le mariage de Douglas et d’Amalia, car ce mariage la vengeait innocemment, à ses yeux, des dédains du jeune comte ; il isolait ce dangereux prétendant, et l’obligeait à mettre encore entre elle et lui la barrière des mers.

Cette attente était chaque jour trompée. Douglas, par