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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/148

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Chaque grande capitale compte aujourd’hui d’illustres généraux de l’échiquier. Déjà en 1807, M. Deschapelles visitant Berlin, après la bataille d’Iéna, trouva de très-habiles joueurs d’échecs au club de Berlin. Deschapelles est un autre joueur de première force, et il m’a affirmé la chose, dans un de ces charmants déjeuners qu’il nous offrait deux fois par semaine, sous la treille de son cottage du faubourg du Temple. Or, en 1807, si le jeu d’échecs était déjà si brillamment cultivé en Allemagne, quel progrès doit-il avoir fait depuis ?

On compte aussi de très-forts amateurs à Saint-Pétersbourg. Le nord aujourd’hui a l’intelligence du midi. Les quatre points cardinaux même n’existent plus moralement. Aux glaçons près, tout est midi. L’Angleterre, qui a vu naître le gambit du capitaine Evans, l’illustre Macdonell et M. Stanton, n’a rien à envier aux autres peuples. L’Espagne qui a inventé l’échiquier dallé de marbre blanc et noir, aux pièces vivantes, l’Espagne de Philippe II, de don Juan d’Autriche et de Mina le stratégiste par excellence, peut mettre sur pied une armée de dix étonnants soldats d’échecs. Je cite l’Espagne pour mémoire, car nous n’avons rien à craindre aujourd’hui de ce côté ; le proverbe nuptial allemand a franchi la Bidassoa : Tu felix Hispania nube ! Quant à l’Italie, c’est toujours le pays de Lolli, du Calabrais, du Syracusain. Toute la gloire de ces illustres morts se personnifie aujourd’hui dans la gloire vivante de M. Calvi, un des plus fiers lieutenants d’Alexandre Labourdonnais. La France est en mesure de lutter contre tous, quoiqu’elle ait perdu le pion et deux traits depuis la mort de l’illustre chef de Saint-Malo. Notre phalange est forte et elle a un digne chef dans la maison de