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MONSIEUR AUGUSTE

Le musicien, comme foudroyé par cette apostrophe insolite, s’arrêta tout court, et la jeune fille se laissa tomber sur un fauteuil.

M. Lebreton accourut en souriant vers Louise, et lui dit :

— Mon enfant, ce soir nous ne danserons plus ; il ne faut pas être malade demain.

Et se tournant vers Octave, il ajouta :

— Mais vous avez le diable au corps ! Si le piano ne s’arrêtait pas, vous valseriez donc toujours ? Voilà une passion !

Louise saisit aux mains de sa voisine un large éventail chinois, et s’en servit pour remettre les charmantes lignes de son visage dans leur état naturel.

La voisine était une jeune demoiselle de vingt ans, une brune éblouissante, aux cheveux massifs et ondés, aux yeux de diamants noirs à facettes, aux lèvres de cerise, d’un rouge virginal. Sans regarder Louise, mais ayant pris soin de diriger l’émission de sa voix vers l’oreille de son amie, elle lui dit :

— Tu es une enfant ! tu détestes ce jeune homme, et tout le monde va croire que tu l’aimes… oui, tout le monde, excepté ton père qui n’entend rien à ces choses-là.