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MONSIEUR AUGUSTE

je n’ai jamais la bonté de m’attendrir sur les infortunes des millionnaires, je réserve mes larmes pour les pauvres. Comprenez-vous qu’un père soit consterné parce que sa fille ne se marie pas ! faut-il avoir un urgent besoin de désespoir, pour s’en forger un avec ce malheur ! Vraiment les hommes sont fous… Veuillez bien m’excuser, messieurs, je parle en général… M. Lebreton a trois cent mille francs de rente, hôtel à Paris, château à la campagne, fermes en Normandie ; il a cinquante ans et une santé robuste. Vous connaissez sa fille unique ; c’est la grâce et la beauté fondues ensemble, et complétant une merveille. Comment ce chef-d’œuvre a-t-il été créé et mis au monde par M. Lebreton, qui n’est pas gracieux, mais qui est laid ? C’est un de ces secrets dont la nature a le mot : la nature est le plus amusant de tous les auteurs comiques. Vous croyez que ce père, fier d’un tel trésor, veut le garder précieusement chez lui ? Non. Ce père veut s’en débarrasser au plus vite ; lui qui serre à triple tour des chiffons de banque dans un coffre-fort ! Bien plus ! Si un jeune homme venait demander cinq cent mille francs à M. Lebreton, ce demandeur serait mis à la porte ignominieusement, comme un escroc. Mais si un jeune homme lui demande cinq cent mille francs et la belle Louise par-dessus le marché, alors le père