Page:Méry - Monsieur Auguste, 1867.djvu/167

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
163
MONSIEUR AUGUSTE

de gaieté se prolongea ; Auguste aurait voulu qu’il ne finît jamais ; le rire faux le dispensait de parler faux.

La cloche sonna le déjeuner.

— Nous serons très-peu de monde à table, dit Lebreton, un déjeuner de famille : la petite Agnès, ma nièce ; ma fille et moi ; nous nous amuserons.

Louise, aux aguets derrière une persienne, n’avait rien entendu de la conversation à cause de l’éloignement, mais elle avait entendu les bruyants éclats de cette gaieté folle qui annonçait une cordialité si parfaite entre son père et Auguste. Cela lui suffisait. Rien n’était plus doux à son cœur que l’union intime de ces deux hommes. Elle était joyeuse de leur joie, car elle présumait bien que son mariage était le sujet de cet entretien, et que rien ne pouvait désormais s’opposer à son bonheur, puisque les deux maîtres de son destin paraissaient en si parfait accord. Pauvre jeune fille, novice au monde, elle acceptait pour vrai ce que donnent les apparences, et elle descendit à la salle basse avec un visage rayonnant, car elle ne connaissait pas encore l’art de dissimuler sa joie, cette science hypocrite qu’on apprend plus tard lorsqu’on redoute d’effrayer et de mettre en fuite le bonheur, s’il fait mine de venir nous visiter.