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MONSIEUR AUGUSTE

l’imbécile !… Mais que voulez-vous que je fasse de votre mort et d’un gibier tel que vous ? Est-ce que vous valez la peine qu’on vous tue ? À l’état de vivant, vous n’êtes rien pour moi ; à l’état de cadavre, vous seriez quelque chose : un remords ! En ce moment, j’ai besoin de vous… Voyons, devinez pourquoi, vous qui êtes si fin ?

— Vous avez besoin de moi ? demanda Simaï d’un air étrange.

— Oui. Aussi, je ne vous quitte pas. Vous m’êtes trop précieux ; vous êtes mon homme providentiel… Oh ! je puis vous dire cela, parce que la fin de ce jour verra s’accomplir bien des choses !… et alors tant pis !… C’est à moi que je parle… une parenthèse… Ne faites pas attention… Je m’adresse à vous, maintenant… Ce matin, j’avais un chagrin… violent… je ne trouve que ce mot dans le vocabulaire… violent est faible…

— Et quel chagrin ? demanda Simaï.

— Oh ! vous ne l’avez jamais eu celui-là, vous !

Simaï devint pâle et fit un mouvement.

— J’avais fait un petit chef-d’œuvre de paysage, un coucher de soleil qui aurait éteint Claude, et mon jeune chien qui cherchait un joujou dans ses ennuis, a mis mon chef-d’œuvre en vingt livraisons ! Il n’existe plus ! Je lui avais promis la médaille d’or du