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MONSIEUR AUGUSTE

— Rose, vous n’avez pas de goût.

— J’ai le mien.

— Ce n’est pas le bon.

— Mademoiselle, vous avez seize-ans, et j’en ai trente. À votre âge un mari est un chérubin, avec des joues de pêche, de grands yeux bleux, des cheveux blonds bouclés, un menton d’ivoire à fossette, et une petite voix qui chante : Ah ! vous dirai-je, maman ! c’est le rêve de toutes les pensionnaires. On appelle cette poupée de cire un joli garçon. Eh bien ! à trente ans, nous laissons ces poupées chez le coiffeur, et nous voulons épouser des hommes. Moi, qui vous parle, mademoiselle Louise, je vous ai vu naître, et j’ai droit de conseils sur vous, puisque vous n’avez plus de mère. Si je vous voyais épouser une tête de coiffeur comme celle de M. Auguste, je retirerais mes économies de la caisse d’épargne, et j’irais chercher fortune en Alger. Cela vous fait rire, eh bien, moi je pleure en y songeant.

— Mais, ma bonne Rose, ne vous désolez pas ainsi ! On dirait que M. Auguste m’a demandée en mariage, et que j’ai prononcé le oui

— Ah ! mademoiselle… c’est que…

— C’est que… Voyons, Rose, achevez.

— Non, mademoiselle… j’en ai trop dit… il est