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MONSIEUR AUGUSTE

fille désespérée qui court à la guérison du suicide.

M. Lebreton demeura, comme accablé par la dernière parole de sa fille. Minuit sonnait, et ce malheureux père, assis dans un fauteuil, sentait que ses yeux brûlés par les larmes ne pouvaient être fermés par le sommeil. Dévoré par une insomnie affreuse, il compta toutes les heures de cette nuit sans fin ; il vit blanchir l’aube et lever le soleil, et garda son immobile pose d’accablement.

— Je suis le meurtrier de ma pauvre fille, disait-il à haute voix, pour se donner le douloureux plaisir d’entendre de sa bouche sa propre condamnation. Quand les heures matinales versèrent un peu de fraîcheur sur son front, il s’endormit, mais son sommeil ne fut pas long ; un rêve affreux l’interrompit : il lui sembla qu’il voyait sa fille agonisante, couchée sur un grabat, avec sa riche toilette de mariée, et le visage bouleversé par un rire fou, racontant à une statue de pierre des histoires incohérentes, où le nom d’Auguste était prononcé à chaque instant.

Un léger bruit réveilla en sursaut M. Lebreton.

Il ouvrit les yeux, et vit, à la clarté du soleil, sa fille Louise, enveloppée d’un burnous blanc, sur lequel se déroulait, comme un ornement splendide, sa longue chevelure d’or. Sa figure rayonnait d’une