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MONSIEUR AUGUSTE

— Octave, je voulais te parler sérieusement…

— En prose ?

— Oui.

— Parlé ; mais point de citations empruntées aux gardiens du sérail, entends-tu ?

— Soit… Octave, tu te perds dans la maison de M. Lebreton où je t’ai présenté l’an dernier. Cette nuit ta conduite a été un vrai scandale. On ne doit pas valser comme tu valses, sous peine de passer pour un vampire de profession.

— En voilà une bonne ! Mais il me semble que je valse comme tout le monde. S’il y a scandale, c’est la faute de la valse, qui n’a jamais été une danse fort morale. Que diable ! la musique vous prodigue des notes fulminantes sous les talons, et un père commet la sottise de vous lancer sa fille sur la poitrine, sous prétexte de bal, et on resterait grave comme le nez d’un Allemand, et froid comme saint Sylvestre. Allons donc ! Je veux être franc avec toi. Oui, j’aime Louise ; et quand je dis j’aime, c’est parce que le dictionnaire de Boileau ne me donne que ce mot stupide pour exprimer ce que je sens. Si je te disais je l’adore, tu ne me comprendrais pas davantage. Il y a une langue pour dépeindre une passion comme la mienne ; mais cette langue n’a point d’alphabet, point de grammaire ; elle se fait